Thématique 2020

CROIRE

L’Homo sapiens façonne le monde depuis plus de cinquante mille ans. Au fil de l’évolution et des révolutions, des agressions et des régressions, il s’est hissé au sommet du vivant ; il lui arrive toutefois de s’étonner de la précarité de ses constructions et de la fragilité de la planète qui lui sert d’habitat.


Les systèmes économiques, politiques, culturels et philosophiques, élaborés petit à petit par les humains afin de rendre son univers habitable et ordonné, chancellent plus que jamais devant l’effondrement des écosystèmes, les tensions sociales et les retranchements antagoniques. Entendus comme des lois naturelles ou une marche inéluctable vers un prétendu progrès, ces systèmes sont pourtant nés d’idées, de croyances et de désirs que seule l’imagination peut librement et infiniment ébranler, détruire et réinventer.


Faire croire ou croire

Poussés jusqu’à la démesure, tendus jusqu’au point de rupture, les systèmes hégémoniques engendrent des monstres. La surconsommation, la crise environnementale, les vagues migratoires, les iniquités extrêmes et le despotisme sont quelques nouvelles manifestations de la monstruosité. Figés devant nos écrans, à la merci d’un tourbillon d’informations, vraies ou fausses, ne ressentons-nous pas un sentiment d’impuissance ? Ou bien sommes-nous des témoins non résignés, conscients de la plasticité des idées et du pouvoir de l’imagination, qui ont déjà amorcé des transformations individuelles et collectives de la société ? Tout dépend de ce à quoi nous croyons. Le verbe croire est ambigu, car il ne présuppose aucun fait vérifiable. Depuis toujours, crédulité, croyance et crédibilité rivalisent à armes égales.


Croire comme source de l’agir et du non-agir

La planète n’est heureusement pas une masse homogène ; elle continue de réagir aux réalités locales et mondialisées tout en demeurant le lieu de persistance et de renouvellement des aspirations ; elle fournit des motifs pour repenser la vie collective et individuelle.


L’édition 2020 de la Biennale nationale de sculpture contemporaine souhaite faire écho aux envies, aux convictions et aux croyances – si contradictoires, réelles ou inventées, transitoires, permanentes, destructrices, modestes ou mobilisatrices soient-elles – qui se dessinent derrière nos modes d’organisation terrestre. Action ou inertie, regroupements de toutes sortes ou isolement réfractaire, nos réactions sont dans l’ensemble motivées par des croyances. Scruter l’objet et les raisons de ces croyances à travers une diversité de points de vue et de stratégies, c’est explorer les territoires des artistes ayant, en ce moment, une volonté d’actualiser l’imaginaire, qu’il soit personnel ou collectif. Croire porte à réfléchir sur soi et sur la valeur du nous en ce monde. Cette réflexion constitue un chantier d’investigation multidimensionnel et sans limites.


Texte de Dominique Laquerre et de Julie Alary Lavallée, commissaires, membres du comité d’orientation artistique et de sélection de la BNSC 2020.


Dominique Laquerre est directrice du Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger, artiste et commissaire indépendante. Julie Alary Lavallée est coordonnatrice générale du Studio XX, commissaire indépendante et historienne de l’art. Texte inspiré des échanges entre les commissaires et Audrey Labrie, directrice artistique de la BNSC et historienne de l’art et Lynda Baril, directrice générale de la BNSC 2020.


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